Le coronavirus apparaît dans nos vies comme un tsunami émotionnel, social, professionnel et familial. L’objet de cet article est de mettre en lumière la souffrance de parents contraints de vivre confinés.

Avant l’apparition de cette crise sanitaire, certains d’entre nous éprouvaient déjà des émotions compliquées, voire négatives sur leur rôle de parent. Des sentiments de détresse, de solitude, de culpabilité parfois avec des regains d’énergie, pouvaient les animer de manière chronique, répétitive et gangrénante.

Il est possible que ces parents se trouvaient dans cette grave problématique du burnout parental. « Grave » car ces adultes vivent un vrai calvaire psychologique. Le burnout parental est à prendre au sérieux. D’autant qu’à la différence du burnout professionnel, aucune forme de mise à l’écart n’est possible. Le parent est forcé et contraint de demeurer parent.

Quels sont les symptômes du burnout parental ?

Le burnout parental débute souvent par un épuisement physique (je suis toujours fatigué), émotionnel (je me sens à bout), ou cognitif (je n’y vois plus clair, j’ai du mal à réfléchir). Ensuite, le parent se sent saturé. Alors qu’au début, sa parentalité était une expérience remplie d’émotions positives, s’entendre appeler « maman, papa » plusieurs fois par jour devient irritant et/ou source de déplaisir.

De cette saturation de la fatigue découle naturellement ce que l’on nomme « la distanciation affective ». Le parent, à bout, ne dispose plus de l’énergie suffisante pour être disponible pour son enfant. Il n’est plus capable de l’écouter, de jouer avec lui. Il peut tout à fait accomplir les tâches minimales attendues comme faire à manger, le conduire à l’école, lui donner le bain mais n’est plus capable d’attention ni d’investissement affectif envers son enfant

Ces trois piliers (physique, émotionnel, cognitif) scellent le burnout parental. Le parent fonctionne différemment d’avant. Un changement s’est opéré en lui, qui l’amène à ne plus apprécier son image de parent. Pire, il peut se sentir honteux de celle-ci. D’autant que les médias, les réseaux sociaux cultivent insidieusement l’idée du parent parfait.

Qu’advient-il de ces mêmes parents lors du confinement ?

Les professionnels de la santé s’en inquiètent. D’autant qu’un parent qui va mal va très souvent de pair avec un enfant qui va mal.

La réalité est que, pour beaucoup d’entre nous, le confinement a considérablement grignoté nos ressources et augmenté nos stresseurs. En effet, bon nombre de pères avaient à cœur de faire une sortie entre copains pour décompresser et nombre de mères de faire une séance de zumba après le boulot. Enumérons encore de manière non exhaustive les facteurs de changements suivants : l’absence de contacts avec la famille d’origine, les amis, l’augmentation du télétravail. Du côté des enfants, en fonction de leur âge, les challenges parentaux sont différents. Pour un jeune enfant, il s’agit de le rassurer, le cadrer, s’improviser enseignant, coach sportif, guide nature, animateur de jeu, etc… Avec des adolescents, il s’agit d’exercer un formidable lâcher prise afin de ne pas tendre une situation déjà bien minée avec le besoin d’indépendance et de repli sur soi caractéristique de l’adolescence.

Le parent en burnout s’enferme souvent dans sa souffrance, tente de donner le change à l’extérieur, éprouve encore plus d’émotions négatives et s’enlise dans une situation déjà pénible bien avant cela.

Le risque de ce type de situation est un accroissement de la violence intra-familiale. D’autres facteurs viennent influencer ce risque. Pensons à la consommation d’alcool dont il semblerait qu’elle augmente en ces temps de confinement, l’absence d’activités physiques, des gardes alternées parfois modifiées si un des parents est en quarantaine, etc.

Que peut-on conseiller à ces parents pour prendre soin d’eux malgré ces contraintes ?

Tout d’abord, on peut se référer à ces conseils expliqués par Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam, chercheuses à l’Institut de recherche en Sciences psychologiques de L’U.C.Louvain :

  1. Se faire confiance. Profiter de ce temps « hors influence » pour renouer avec ses convictions profondes de ce qui est bon pour soi et son enfant.
  2. Viser la qualité des liens et non pas la quantité. Se fixer un petit objectif de temps de qualité avec son enfant afin de ressouder les liens. Idéalement il s’agira d’une activité que le parent apprécie également.
  3. Faire preuve de souplesse. Nous sommes dans une période spéciale, temporaire et ce qui vaut maintenant ne vaudra pas forcément après.
  4. Mettre ses enfants à contribution dans les tâches ménagères. Un enfant actif dans la gestion de la maison est un enfant plus heureux. Demandons-lui ce qu’il préfère faire ; attribuons-nous mutuellement des tâches précises.
  5. Structurer la journée avec eux. Enfants comme adultes ont besoin d’horaire, de planification et de maintenir un rythme de vie le plus régulier possible.
  6. Rêver… Expérimenter la liberté d’avoir plus de temps.
  7. Choisir ses combats. On ne demande pas à un chevalier désarmé de rentrer en guerre pour des broutilles. Etablissons nos priorités et les comportements estimés intolérables ainsi que les sanctions assorties. Et tenons-nous-y.
  8. Renonçons. Nous sommes imparfaits, restons-le. Renonçons à la course à l’adulte parfait, au parent parfait, au couple parfait, à la famille parfaite.
  9. Soyons bienveillants les uns enfers les autres. Une image très simple à cet égard est celle du jardin : si je cultive et prends soin de nourrir et entretenir les mauvaises herbes plutôt que les jolies fleurs, mon jardin sera envahi très vite de mauvaises herbes et il n’y aura plus de place pour les jolies fleurs.
  10. Respirons et prenons de la distance régulièrement.

Pour le parent en burnout et confiné, il est impératif de :

  • S’attribuer un espace bien à soi. Un refuge dans lequel le parent pourra se reposer, se poser, pratiquer de la méditation, écouter de la musique douce, jouer d’un instrument, lire. Et expliquer aux enfants que le respect de ce moment est essentiel pour mieux vivre ensemble.
  • Avoir une bonne hygiène de vie. (Dormir à des heures raisonnables, manger des repas équilibrés, éviter de grignoter, faire du sport, boire de l’eau, …)
  • Avoir des moments d’activité créative (peinture, dessin, écriture, photographie, bricolage, décoration, etc…).
  • Consulter un psychothérapeute formé au burnout parental.
  • Consulter son médecin. Même si nous sommes confinés, les médecins continuent de travailler pour leurs patients, toutes pathologies confondues.

Terminons par ces quelques mots en ayant une pensée très attentive et réconfortante, autant qu’il soit possible, pour ces parents :

Être parent est un défi de chaque instant. Rythmé par de bons moments et de moins bons moments. Les parents d’aujourd’hui doivent faire face à des défis jamais relevés jusqu’ici : la gestion des écrans, la crise écologique et maintenant le coronavirus !

Dans ce climat de mal-être, il était presque inconcevable que rien ne se passe. L’angoisse sociale qu’à fait émerger le coronavirus prend naissance dans ce malaise sociétal et révèle que l’être humain est en souffrance et qu’il doit changer.

Nous invitons chaque individu, chaque parent à penser ce changement. Pour lui, pour ses enfants et pour le monde.

Soyons inventifs, protecteurs les uns envers les autres et bienveillant envers nous-même. Il n’y a qu’une manière d’attirer le positif : Être positif.

Take care of yourself. Prenez soin de vous.

Parution « Malonne première », périodique mensuel n°367 mai 2020